L’usage d’appelants, une technique intimement liée à la chasse des oiseaux d’eau migrateurs.
De tous temps, des bas reliefs de l’Egypte ancienne en témoignent, l’homme - chasseur a mis à profit le caractère grégaire des oiseaux migrateurs et leur méconnaissance des dangers dans les zones sur lesquelles ils venaient se poser pour la première fois, pour mieux les capturer.
C’est selon ce principe de base, en tous lieux identiques, que se sont affinées différentes techniques de chasse dont celle des oiseaux d’eau, de nuit, à partir d’installations fixes ou mobiles, en France.
La chasse de nuit des oiseaux d’eau en France.
Considérant que ces oiseaux ont souvent une activité plus nocturne que diurne, le fondement de ce mode spécifique de chasse est simple : attirer les oiseaux en migration ou en déplacement pour le gagnage (la recherche de nourriture) sur la zone sur laquelle le chasseur se trouve à l’affût à une distance qui permette le tir. Cela se décline de la façon suivante :
- Exploiter le caractère grégaire des oiseaux d’eau migrateurs pour les attirer vers la zone de tir par le chant particulièrement attractif et permanent d’oiseaux sélectionnés. Ces appelants sont communément appelés long-cri ou encore chanterelles, chanteuses, et autres noms vernaculaires.Ils sont positionnés relativement loin de la zone de tir quelquefois directement sur l’eau, quelquefois en cage, au-dessus du sol.
- Une fois les oiseaux sauvages attirés à proximité de la zone de tir, il faut alors prendre en compte leur caractère méfiant et sauvage. La zone de tir efficace où l’on veut les faire poser doit être calme, avec des appelants au comportement le plus naturel possible, peu bruyants mais néanmoins suffisamment accrocheurs (attractifs). C’est là que l’on trouve les court-cri et sauvagines d’espèces chassables diverses. L’ensemble est complété par les blettes ou formes, ces imitations d’oiseaux de bois ou de plastique utilisées pour faire du nombre et donner aux oiseaux sauvages l’impression de la sécurité qui les fera se poser à distance souhaitée.
La prise en compte des conditions climatiques et de l’environnement de l’affût.
Pour amener les oiseaux d’eau migrateurs auprès de la zone d’affût et les faire ensuite poser sur la zone de tir, certains éléments comme le vent : sa force, son orientation, … ; les conditions météorologiques : glace, pluie, neige, brouillard, … ; l’environnement plus ou moins proche de l’affût (hutteau ou hutte) qui conditionne l’arrivée du gibier : sens, hauteur, orientation, présence d’arbres ou d’obstacles … ; ou encore la proximité d’autres zones d’affût, doivent être intégrés dans la démarche de l’homme - chasseur. C’est l’expérience qui permet alors de faire la différence entre le bon, le très bon, et le moins bon ; ce sont les heures de pratique qui distingueront le féru du novice.
Quelques règles élémentaires tirées de l’observation du comportement et des réactions des oiseaux d’eau migrateurs valent néanmoins en tous lieux, de façon constante.
- Par vent fort, il faut « resserrer » (regrouper) ses appelants sur sa zone de pose et ne jamais oublier que l’oiseau sauvage cherchera l’abri. Pour les appelants chanteurs, la longueur, l’étendue de l’attelage (le positionnement des appelants et leur disposition seront aussi réduites, sauf sur l’arrivée naturelle du gibier si celle-ci est un peu excentrée.
- Par temps calme, il faut disperser davantage les appelants et réduire aussi le chant des long-cri (baisser le volume) afin de ne pas mettre les oiseaux sauvages en état de méfiance.
- Plus le temps est clair et la nuit lumineuse, plus le gibier verra les défauts du piège. Plus la nuit est noire, le temps couvert ou mauvais, plus il pourra être leurré facilement.
- En début de saison, le chant doit être plus important qu’en fin de saison, période à laquelle l’instinct grégaire des oiseaux d’eau diminue en fonction des montées hormonales favorisant la constitution des couples et l’éclatement des groupes. Le chasseur doit donc composer avec ces comportements biologiques variés.De la même façon et pour les mêmes raisons, à un blettage (utilisation des formes de plastique ou bois) important l’hiver, doit succéder un blettage beaucoup plus subtil et moins nombreux en fin de saison de chasse.
- Lors des grosses boutées (mouvements migratoires) hivernales d’oiseaux d’eau, généralement par temps venteux avec des conditions météorologiques difficiles, les volées d’oiseaux sauvages peuvent être moins méfiantes à cause des kilomètres parcourus et arrivant pour la première fois sur de nouveaux territoires, totalement inconnus.Le chasseur débutant pourra alors réussir aussi bien que celui qui est plus expérimenté.
- Les oiseaux sauvages se posent généralement face au vent, pour d’évidentes raisons aéronautiques. Plus le vent est fort, plus cela est vrai. L’inverse aussi.
Les canes de chant sont donc ainsi positionnées dans l’axe d’arrivée du gibier pour les amener à prendre le vent en direction de la zone d’affût.Mâles, canes de pose, sauvagines et blettes sont disposés à l’eau dans l’axe du vent, de telle façon que des couloirs de tirs sécurisés restent dégagés, dans la zone présélectionnée, pour la pose et le tir des oiseaux sauvages (entre 20 et 35 m de l’affût généralement).
- Afin que les appelants vivants restent en place, le chasseur utilise un système d’attache relié à la patte de l’oiseau au moyen d’une bague spécifique conçue pour y passer une épingle, le crochet de fixation. Un système de laisse en quelque sorte.
Les 3 types les plus souvent usités sont les suivants :
L’appelant est tenu par une corde fixée au fond de la mare à un poids ou un piquet.
Il peut encore être positionné sur une palette (ou plateau), piquée ou flottante, petite plaque de bois sur laquelle l’appelant se tient posé avec la possibilité d’aller à l’eau grâce à un cordon très court.
Il peut enfin être maintenu en position par une corde principale, appelée va et vient, sur laquelle viennent se greffer des cordons courts auxquels sont attachés les oiseaux. Ce va et vient coulissant permet au chasseur avec appelants de positionner ses oiseaux dans sa mare sans même avoir besoin d’entrer dans l’eau.

§ Combien d’appelants pour quels résultats ?
Comme vu précédemment, il n’existe pas de recette miracle applicable partout, en tous temps, de la même façon et avec le même succès.
Elément déterminant, le couloir de migration naturel du gibier dans le territoire de chasse considéré et le sens d’arrivée du gibier pour chaque zone d’affût spécifique.
Pour certaines installations de chasse de nuit particulièrement bien situées et isolées, l’usage d’appelants chanteurs peut quelquefois s’avérer superflue. Quelques oiseaux calmes, discrets mais efficaces suffiront à imposer la pose dans la zone de tir présélectionnée.
Ces espaces privilégiés sont toutefois relativement rares.
Plus souvent, le chant est nécessaire pour optimiser l’attrait du site, ou encore pour compenser l’attrait concurrent que constituent les attelages des voisins.
Les pratiques et coutumes sont très variables d’une région à l’autre, trouvant souvent leurs sources et motivations initiales dans l’attractivité naturelle, plus ou moins grande, du site ainsi que dans la concurrence des voisins plus ou moins proches.
Ainsi, sur certains territoires du Nord de la France, sur et autour des mares artificiellement créées par l’homme, 50 appelants vivants ou plus peuvent être utilisés pour une simple nuit de chasse. Viennent s’ajouter à cela 100 ou 200 formes plastiques.
Un véritable travail de titan de plusieurs heures tant pour l’installation que pour la récupération des appelants vivants et des formes. Et le résultat n’est pas nécessairement proportionnel à l’effort. En d’autres endroits, il est traditionnel d’utiliser entre 5 et 10 appelants et 10 à 20 blettes.
Pour les anciens, notamment eu égard au poids et aux difficultés de transport dans les années 50, 3 canes et un mâle colverts semblaient bien suffisant, avec quelques formes de bois, piquées en permanence sur place, notamment dans le sud de la France mais aussi dans les estuaires du nord. Tout cela a beaucoup évolué durant les dernières décennies, la démocratisation de l’usage de la voiture automobile aidant, le recours aux formes plastiques légères aussi, car le nombre d’oiseaux attelés et l’importance du blettage sont en effet déterminant pour cette pratique.
En moyenne, on peut considérer actuellement que, selon les régions, les sites et leur attractivité naturelle, la proximité ou non d’autres installations de chasse de nuit, le début, le milieu ou la fin de la saison de chasse, le nombre d’appelants utilisés peut varier entre 6 et 80 oiseaux pour une même nuit et un même affût, les pratiques les plus fréquentes impliquant entre 15 et 30 appelants. Lorsque l’on sait qu’un même oiseau ne peut être utilisé 2 nuits de suite, cela explique la nécessité d’un nombre d’oiseaux détenus conséquent pour les plus passionnés.
§ Appelants : d’où viennent-ils ?
Pour la plupart, les chasseurs de gibier d’eau avec appelants sont aussi des éleveurs – amateurs.
On peut classer les appelants en trois grandes familles : les canards colverts, incontournables ; les oies, de plus en plus utilisées eu égard à l’explosion démographique de ces espèces gibiers ; les sauvagines, regroupant toutes les espèces de canards chassables en France autres que le canard colvert, prioritairement la sarcelle d’hiver et le canard siffleur, dans une moindre mesure le canard pilet, le canard chipeau et le fuligule milouin. Les autres espèces sont employées de façon anecdotique, ou plus particulièrement à certains moments de la saison, en fonction des espèces en migration, selon les régions (Ex. chasse aux foulques dans le Sud de la France).
Les appelants d’anatidés font l’objet d’une sélection génétique rigoureuse.
Pour avoir des canes colverts chanteuses, des long-cri, une cane de chant doit être accouplée avec un mâle lui-même chanteur. On opère à l’inverse pour les canes et mâles de pose.
Les géniteurs sont bien évidemment choisis pour la qualité de leur voix et pour son attractivité sur le gibier. La consanguinité est souvent pratiquée pour optimiser et fixer les caractères génétiques.
Le principe est le même pour les oies, selon la nature des chants recherchés. A ceci près que les couples se forment ici souvent sans l’avis du chasseur, d’où l’importance d’une présélection rigoureuse.
Pour les sauvagines, les règles de la sélection sont différentes, ces oiseaux n’étant utilisés que pour la pose et jamais en qualité de long-cri. Cela leur serait physiquement impossible. Un oiseau long-cri doit en effet être très robuste pour être capable de chanter quasiment toute la nuit, même en l’absence de migrations ou de mouvements d’oiseaux.
Les sauvagines génitrices sont donc sélectionnées pour la fréquence et la répétitivité de leur chant ainsi que pour son attractivité sur leurs congénères sauvages qui les incitera à poser, mais aussi pour leur calme à l’attache, leur docilité et leur robustesse.C’est selon ces critères basiques que la plupart des appelants sont produits en France.
Les appelants peuvent aussi être achetés auprès de fournisseurs patentés et agréés, en France, en Belgique voire aux Pays-Bas.
En France, les oiseaux commercialisés sont systématiquement nés en captivité. Cela est peut-être moins vrai dans d’autres pays où des arrivages nombreux d’oiseaux adultes sur le marché se font simultanément aux migrations d’août, septembre, octobre et novembre. De telles pratiques sont interdites et jugulées par le baguage (bague fermée) obligatoire des oiseaux utilisés en France comme appelants qui ne peut se faire que dans les jours qui suivent l’éclosion.
Ces bagues sont numérotées par les sociétés qui les fournissent et accompagnées d’une fiche d’identification du détenteur de l’oiseau (en fait l’acheteur de la bague). Aucun doublon de numérotation n’est ainsi possible.
Les appelants achetés aujourd’hui auprès des commerçants nationaux sont systématiquement bagués et numérotés.
La dernière source d’acquisition des appelants est l’échange
Cette pratique est relativement fréquente entre les chasseurs-éleveurs privés qui, selon le succès de la reproduction de leurs oiseaux, se trouvent avec des oiseaux en surnombre, ou manquant pour telle ou telle espèce ou pour tel type de chant (long-cri, court-cri,…).
Pour tous ces oiseaux, la réglementation actuelle impose le baguage (bague fermée numérotée) dans les premiers jours qui suivent l’éclosion.
§ La détention des appelants
Cette détention se fait soit directement sur le lieu de chasse (environ 70 % des cas), soit au niveau d’un domicile privé (pour les hutteaux notamment).
Sur le lieu de chasse, les appelants sont détenus dans des parcs, situés le plus souvent à proximité de la hutte ou de l’affût. Ces parcs sont constitués d’une berge herbeuse et d’un plan d’eau (ou une partie du plan d’eau), des reposoirs flottants peuvent aussi être mis à disposition.
L’ensemble est grillagé, quelquefois couvert d’un filet (ceci n’est pas systématique).
Le nombre d’appelants détenus dans ces conditions est limité réglementairement à 100 canards colverts et/ou oiseaux d’autres espèces chassables (oies et sauvagines) sur le site de chasse et par affût.
La réglementation a institué la possibilité de parcs supplémentaires à plus de 30 mètres du plan d’eau principal sur lequel se trouve l’affût de chasse. Les oiseaux ainsi détenus ne sont pas considérés comme contribuant à l’acte de chasse et n’entrent pas dans le décompte des appelants.
Dans ces conditions de détention, les appelants restent en permanence sur le lieu de chasse (ou à proximité, 30 m).
Au niveau d’un domicile privé, hors zone de chasse, les oiseaux (qui perdent alors le label « appelants ») sont détenus comme des oiseaux domestiques de basse-cour.
Les constantes, sol sec, herbeux si possible, et eau fraîche, restent les mêmes. Les espaces de détention sont souvent plus restreints
§ L’éjointage des appelants
A partir de novembre 2003, afin d’éviter tout risque de pollution génétique avec l’avifaune sauvage ou le lâcher intempestif et préjudiciable de canards de réforme en fin de saison, les appelants d’oiseaux d’eau utilisés pour la chasse devraient être systématiquement éjointés dans les jours qui suivent leur éclosion.
Cette mesure a été, regrettablement, annulée par le Conseil d’Etat (Décision du 28/12/05).
Ceci est dommageable, tout particulièrement dans le contexte de risque d’influenza aviaire.
L’éjointage des appelants, pratiqué sur les canetons et oisons, constitue une simple amputation du bout de l’aile par coupure du cartilage, non encore formé en os. Cette pratique est préconisée pour tous les éleveurs et autorisée pour tous les détenteurs non chasseurs. Il y a là une incompréhensible et injuste discrimination. Quoique la réglementation n'ait pas évolué sur ce sujet, depuis 2017, les agents de l'ONCFS ne verbalisaient plus en cas d'usage pour la chasse d'appelants éjointés. Cette compétence étant passée au ministére de l'agriculture qui n'aurait pas d'agents verbalisateurs !!! L'éjointage des appelants pour la chasse des oiseaux d'eau est donc resté dans le flou quelques temps. Récemment, en 2018, des PV sont à nouveau tombés pour cette pratique pourtant si efficace et utile à plusieurs niveaux.
§ Comment devient-on chasseur de gibier d’eau avec appelants
Cette pratique, associée aux techniques de chasse à l’affût, est intimement liée, en France, à la chasse de nuit à la hutte et au hutteau.
On compte environ 15.000 installations de chasse de nuit réparties de la façon suivante, 90 % de huttes (ou tonnes dans le Sud) sur le domaine terrestre (marais et zones humides intérieurs ou arrière-littoraux), 10 % sur le domaine public maritime (DPM), traditionnellement appelées gabions. On note encore l’existence de hutteaux, installations de chasse de nuit mobiles, plusieurs centaines en France, notamment dans le boulonnais (49).
Le nombre d’adeptes de ce mode de chasse est d’environ 100.000 spécialistes, voire exclusifs, et de 100.000 occasionnels, pratiquant différents modes de chasse.
Généralement l’utilisateur de l’installation, propriétaire ou locataire, est propriétaire de ses appelants. Il arrive toutefois que, pour des raisons de commodités, notamment dans le cas de location de hutte à la nuit (les 7 nuits de la semaine sont alors louées à 7 locataires différents, quelquefois des urbains), les appelants soient mis à disposition des chasseurs-utilisateurs en même temps que l’installation de chasse de nuit. Les conditions de la détention sont alors les mêmes que celles vues précédemment dans les parcs à proximité des affûts.
Ce qui est différent, c’est le nombre de ces oiseaux, plus important, avec un jeu d’appelants pour chaque nuit de la semaine et chaque groupe de chasseurs, ainsi que le nombre de leurs utilisateurs.
§ Alimentation et hygiène des appelants
Pour être efficaces à la chasse, les appelants doivent être en excellente condition physique et de santé. Un appelant faible ou malade ne chante pas, n’appelle pas, ne joue donc pas son rôle. Idem si son plumage n’est pas beau et imperméable.
Ces oiseaux sont de ce fait l’objet d’attentions toutes particulières.
La qualité et la propreté de l’eau sont l’élément majeur pour leur détention dans de bonnes conditions.
Ceci explique que la plupart des chasseurs préfèrent garder leurs appelants sur site, leur réservant une partie plus ou moins importante du plan d’eau et des berges, pour un maximum de confort et un minimum de promiscuité.
Pour ceux qui détiennent les appelants auprès d’un domicile privé, hors zone de chasse, la détention se fait au niveau d’une mare sur place, d’un cours d’eau, ou d’un bassin spécialement conçu, régulièrement renouvelé en eau.
En ce qui concerne l’alimentation, celle-ci est généralement distribuée dans des récipients ou agrainoirs, notamment pour les granulés qui redoutent l’humidité. Les graines, blé et maïs le plus souvent, peuvent aussi être mises à même le sol, les oiseaux d’eau apprécient de pouvoir y chercher leur nourriture, tout particulièrement les canards colverts très fouisseurs. Pour les oiseaux plus herbivores, tels les siffleurs et oies, des berges végétalisées ou des granulés à base de plantes, sont indispensables de même qu’un apport régulier en verdure fraîche (salade, herbe fraiche).
Il est nécessaire de procéder 2 fois par an au vermifugage des appelants détenus soit par gélule vermifuge (téniverm par exemple ), soit par traitement collectif via la nourritute ou la boisson (panacur 4% en poudre par exemple ).